Réécriture, le « dressage » du roman

 

Salut les ami(e)s.

Pour changer un peu cette semaine je vais vous parler de moi, ou plutôt de l’avancée de mon roman. C’est que je n’en ai pas parlé ici depuis mon tout premier article sur ce blog, au mois de juin, dont vous noterez le titre hyper original : Bienvenue !

Dans cet article, j’expliquais que j’avais terminé un premier jet et que j’avais commencé la réécriture de cette histoire. Aujourd’hui quelques mois plus tard, où qu’il en est ce roman ?

 

Eh bien, les choses ne se sont pas du tout déroulées comme je l’avais prévu. Ma réécriture n’est toujours pas terminée. Pour vous donner une vision d’ensemble, je vais reprendre cette histoire depuis son commencement.

La planète Entom Boötis m’avait demandé pas mal de travail en amont du roman. Tout en commençant à noter des idées de personnages et d’histoires, parce que l’idée de départ vient toujours de là, j’ai d’abord travaillé le contexte. À quoi pouvait ressembler ce monde, quelles formes de vie allaient le peupler… Comment les humains y sont parvenus, comment ils ont pu s’adapter et finalement développer leurs propres sociétés.

Ça m’a pris du temps, d’autant plus qu’en parallèle je travaillais sur le jeu de rôle Chiaroscuro, un projet initié par mon frère et qui nous a pris du temps aussi. Nous sommes dans les dernières phases de relecture et de peaufinage, le mois prochain sera lancée une campagne de financement participatif et nous allons publier le livre principal du jeu en janvier ou février.

J’occupais aussi un emploi salarié et j’aime pratiquer d’autres activités. Je n’avais donc pas beaucoup de temps à consacrer à mon roman, ni d’énergie créative. Je n’avançais que par périodes.

Logo(logo de Chiaroscuro que j’ai réalisé)

 

Au début de cette année 2015, ayant bientôt terminé ce que je m’étais engagé à faire pour Chiaroscuro, j’ai décidé de me consacrer plus sérieusement à mon roman. Le décor était planté, des premiers chapitres étaient griffonnés et je n’avais plus qu’à faire vivre cette histoire. Je me suis donc mis à l’écrire assez intensément.

C’est juste après que j’ai découvert les Studios Godefroy, qui proposent des formations pour aider les romanciers à construire des histoires captivantes. En mars, j’ai intégré le Club des Écrivains dont je fais toujours partie.

J’y ai appris pas mal de techniques et d’erreurs à éviter, autant sur l’écriture elle-même que sur les différentes manières de raconter une histoire. Pour certaines techniques je les connaissais déjà, mais sans avoir forcément pris le temps de les analyser en détails comme le fait Fred Godefroy. En échangeant avec d’autres auteurs sur notre forum, j’y ai aussi trouvé beaucoup de motivation pour m’accrocher et ne pas baisser les bras à la moindre difficulté.

Mais parmi les nouvelles choses que j’ai apprises, certaines m’ont poussé à remettre en question ce que j’avais écrit ou projeté d’écrire.

J’étais en plein milieu de l’écriture et je commençais à voir des failles dans mon roman. Certaines scènes étaient inutilement longues, n’étaient pas assez intenses ou n’avaient pas vraiment un rôle important dans l’histoire. Je ne m’étais pas suffisamment préparé.

Tant pis. Suivant les conseils de Fred, je me suis dit qu’il fallait arriver au bout de cette première version avant de tout remettre en question. Écrire une histoire complète, déjà. Puis viendrait le temps de la réécriture.

Au printemps, j’ai eu la chance de partir une dizaine de jours au Vietnam. Cette occasion me semblait idéale pour faire une pause entre le premier jet et la réécriture, aussi je m’étais fixé pour objectif de terminer mon histoire avant de partir. Et j’y suis arrivé.

 

Baie-de-Halong

 

Le voyage était super et je suis rentré en France plein d’enthousiasme. J’ai imprimé tout mon roman pour commencer à le relire en prenant des notes directement sur les feuilles. Même si l’impression demande un peu d’encre et de papier, je la trouve très utile.

Depuis que j’avais écrit dans un fanzine imprimé, je savais qu’on ne regarde pas un texte de la même manière sur l’écran de l’ordinateur ou sur papier. En tout cas chez moi, la différence est flagrante. Voir mes mots imprimés sur une page m’aide à prendre du recul, à voir mon texte non plus comme mon petit univers personnel, mais comme un roman qui sera partagé. Et donc à voir plus facilement les erreurs, les répétitions, les passages à améliorer voire supprimer.

En mai, j’étais déjà à fond dans la réécriture. Boulot salarié aussi à côté, et puis c’est une période où le potager demande pas mal de soins… Arrive le mois de juin et les vacances scolaires qui se profilent à l’horizon. Comme je travaillais dans une école, j’allais avoir deux mois de vacances et donc plus de temps libre.

Étant arrivé à réécrire un tiers de mon histoire en un mois et demi, je me suis dit qu’il était temps d’ouvrir un blog pour commencer à faire connaître un peu l’univers du roman. Je me suis fixé d’écrire un article par semaine tout en avançant sur ma réécriture, avec un peu de jardinage et de balades histoire de s’aérer aussi.

En fait, je n’ai jamais eu autant de visites que cet été et ce début d’automne.

J’habite un joli village médiéval en montagne. À la belle saison, il est fréquent que des amis viennent me rendre visite. Ils en profitent pour prendre l’air, se baigner dans la rivière, profiter du soleil et du calme de la nature… Par un curieux hasard de circonstances, dès la fin juin, les amis de passage se sont succédé chez moi. J’ai aussi hébergé une amie le temps qu’elle trouve un logement et du coup, j’ai eu du monde à la maison pendant plus de trois mois sans interruption.

Je ne m’en plains pas, très heureux d’avoir eu autant de visites cette année. Mais il faut bien reconnaître que ça n’a pas été très bénéfique pour le roman. J’ai consacré l’essentiel de mon temps libre à mes amis et aux concerts, fêtes, balades et sorties que nous avons faits ensemble. Et bien sûr à mon potager, qu’il ne fallait pas oublier d’entretenir avec la canicule que nous avons connue.

J’ai quand même avancé un petit peu sur mon roman mais concrètement, j’arrivais juste à assurer mon article hebdomadaire sur ce blog. Le site internet n’avait d’ailleurs pas été facile à prendre en main les premiers temps… L’été est vite passé.

 

♦♦♦

 

Et maintenant ?

Ce mois-ci, j’ai répondu présent à la demande de Marjorie Moulineuf, une amie auteure qui venait de finir sa réécriture, elle, et souhaitait mon avis sur son roman. Ce n’est pas le genre de chose qu’on me demande tous les jours et j’ai beaucoup de respect pour son travail. Alors j’y ai passé un peu de temps, pour lui faire un retour digne de ce nom.

En passant j’ai adoré son histoire, un mélange de comédie et de SF très dynamique et drôle, c’était un plaisir. Elle a du talent Marjorie !

Je me suis vraiment replongé dans mon roman ce mois d’octobre, ça y est enfin, m’y revoilà. Pour certaines scènes c’est juste du peaufinage, pour d’autres une réécriture complète. Aujourd’hui ma nouvelle version a dépassé la moitié de l’histoire.

Mais vous vous demandez peut-être, pourquoi réécrire en fait ? Un écrivain n’est-il pas capable de sortir un roman comme ça, du premier coup ?

Désolé de vous décevoir si vous aviez cette croyance mais non, absolument pas. Aucun auteur n’est capable d’écrire un texte sans défauts du premier coup. Même pas les plus grands.

Il faut prendre du recul sur sa création, la faire lire à d’autres personnes pour bénéficier de regards extérieurs qui ne verront pas forcément les choses comme nous. Qui pointeront des défauts qui nous échappent tellement l’écriture est prenante. Une personne découvrant notre texte aura un regard neuf, qu’on ne peut plus apporter quand on connait l’histoire par cœur et qu’on a la tête « dans le guidon ».

 

chaton-miroir(crédit photo : Christian Holmer)

 

Écrire une histoire, c’est un peu comme planter un arbre ou adopter un animal. Certains auteurs comparent même cet acte de création avec un accouchement. En tant qu’homme je ne saurai jamais ce que ça fait d’accoucher, mais c’est vrai que l’écriture d’un roman y ressemble.

Cela prend des mois voire des années à construire, on traverse des périodes d’exaltation et d’autres de profonde remise en question, parfois même de déprime. On y met beaucoup d’énergie, de temps, de réflexions et d’émotions. Puis un jour, on a pondu une histoire avec un début, un milieu et une fin. Parfois cette naissance, cette révélation de notre création au monde, est d’ailleurs très douloureuse.

Mais je pense que cet « accouchement » n’est que la première étape en réalité.

 

Revenons à ma comparaison avec l’arbre ou l’animal.

Votre arbre est planté en terre, c’est un bon départ. Mais ce n’est que le début pour lui, il ne demande qu’à se développer dans de bonnes conditions et pour cela, il faut l’entretenir. L’arroser, lui donner des éléments nutritifs, le débarrasser d’éventuelles maladies ou parasites, mais aussi le tailler. Si vous voulez que votre arbre donne de beaux fruits, il faut encourager certaines branches et en supprimer d’autres, lui donner une forme.

 

prunier(prunier, domaine public)

 

C’est un peu la même chose avec un animal. Une fois sevré, il lui reste toute sa vie devant lui. Il faut s’en occuper correctement pour qu’il ait le plus de chances de s’épanouir avec vous. Et pour cela, il faut aussi l’éduquer, le « dresser ». Comme l’arbre abandonné et mal entretenu, l’animal non éduqué risquera de vous créer plus de problèmes que de joies.

Un arbre, un animal, un jardin… un roman commence un jour son existence. Ce départ vous a demandé pas mal d’énergie et d’attentions déjà, mais vous ne pourrez pas toujours être là pour le protéger, il va devoir se débrouiller pour faire face au monde.

 

Il faut tailler, dresser, éduquer son roman pour lui donner toutes les chances d’avoir un beau parcours et de faire son chemin sereinement.

Si vous livrez votre histoire brute de décoffrage, sans l’avoir retravaillée, améliorée, vous offrez au monde un animal sauvage, indiscipliné, hirsute et peu abordable.

Agrunia(crédit photo : Tambako the Jaguar)

 

Un arbre mal taillé qui donnera des fruits moins nombreux, moins sucrés et moins gros, parce que vous ne lui avez pas apporté le meilleur de vous-même. Vous avez bâclé votre travail en étant trop pressé(e) d’obtenir des résultats.

Je pense que c’est malheureusement une erreur fréquente parmi les personnes qui écrivent des histoires. On y passe tellement de temps, on y met tellement d’efforts que lorsque arrive le moment de réécrire, on en a marre. D’autant plus que c’est fastidieux, bien moins exaltant que la création elle-même. On veut voir tout ce travail se concrétiser, on perd patience.

Et c’est un piège.

 

Il vaut mieux se consacrer à peu de choses dans sa vie, en y mettant du cœur, plutôt que miser sur la quantité et la rapidité en voulant tout, tout de suite.

Au final on risque de passer pour quelqu’un de pas très sérieux qui bâcle ce qu’il fait.

Patience et persévérance. La qualité avant tout dans l’écriture. Avant la quantité, et surtout avant l’égo impatient qui pousse certaines personnes à rêver de détrôner les plus grands auteurs alors qu’elles n’ont pas accompli la moitié de leur travail.

Si l’égo est la source de notre inspiration et de nos envies, il peut aussi être un piège terrible qui nous pousse à commettre des erreurs et à subir leurs conséquences. Tout un équilibre à trouver, là aussi. Pas seulement pour les artistes.

 

Rien n’est jamais parfait dans nos créations, mais le meilleur moment pour décider quand une œuvre est terminée, c’est quand on a le sentiment qu’on lui a donné le meilleur dont on était capable. Tant qu’on n’a pas atteint ce moment, on peut faire mieux.

Par impatience, on risque de regretter d’avoir rendu notre histoire publique sans lui avoir donné toute la valeur qu’elle mérite. C’est mon opinion.

 

baby-cat(crédit photo : cut-cuts-the-cutter)

 

Quand j’aurai terminé cette réécriture, je vais demander l’avis de regards extérieurs sur l’ensemble de mon roman. À des lecteurs et lectrices avisés. Je ne doute pas que ces personnes trouveront des choses à améliorer, des détails qui m’auront échappés. Sans doute y aura-t-il encore des modifications, des passages à réécrire. Et alors seulement, il sera temps de vous proposer cette histoire dans son intégralité.

J’ai hâte que ce jour arrive mais il ne faut pas brûler les étapes.

Chaque méandre du chemin a son importance. Si on regarde trop le sommet de la montagne on risque de trébucher. Alors profitons du paysage à chaque étape, il n’est jamais pareil. Prenons le temps de regarder où nous posons nos pieds, d’apprécier chaque moment, même les difficiles.

Les choses devraient aller un peu plus vite pour mon roman à présent. Je vous tiendrai bien sûr au courant sur ce blog…

À bientôt, prenez soin de vous.

 

Sandro

 



 


12 Responses to Réécriture, le « dressage » du roman

  1. bonsoir Sandro,

    C’est très intéressant de lire ton parcours jusqu’ici depuis le démarrage de ton roman. Le moins qu’on puisse dire c’est que tu as emprunté des chemins de traverse à la Harry Potter !

    Je crois que peu de personnes imaginent à quel point le parcours d’un écrivain est parsemé d’embûches et ne ressemble pas à un long fleuve tranquille…

    Bonne continuation Sandro !

    http://www.danny-kada-auteure.com

    • Bonsoir Danny

      Super la comparaison, j’ai adoré cette idée dans Harry Potter. En plus lui qui prononce « chemin de travers », trop fort.
      Oui l’écriture est loin d’être un long fleuve tranquille, tu en sais quelque chose. Mais je crois qu’en choisissant la facilité on s’ennuierait un peu.

      Merci !

  2. Ton article est génial, Sandro.

    Et de manière générale, je suis assez admiratif du boulot que tu fais sur ton blog. C’est du bel ouvrage.

    Tu partages avec tes lecteurs les étapes qu’un auteur doit dépasser pour arriver à un bon résultat, en temps réel, et c’est super !

    Surtout, continue ! A écrire et à parler de ton quotidien d’auteur.

    Fred

  3. Super article, Sandro, vraiment passionnant !
    Cette approche qui parle de l’écriture (ou ses étapes) et non de ton univers, ça change et c’est tout aussi intéressant.
    J’adore ta comparaison avec un animal sauvage, non éduqué, c’est vraiment ça.
    Quelle patience il faut avoir pour montrer un livre vraiment fini à son public !
    Je suis contente pour toi que tu arrives au bout de cette réécriture 😉

  4. Merci Marjorie. J’ai encore du boulot mais ça avance 🙂

  5. J’ai adoré cet article. C’est motivant ! Tu donnes envie de ré ecrire! Et oui, offrir au monde un objet achevé c’est bien cela. Hâte de voir ton objet ☺

  6. Bonjour Sandro,

    Excellent article ! Tu y décris parfaitement les étapes de la création et ce que l’on ressent à la réécriture.
    Pour nous, autant la première mouture a été vite écrite, autant là nous pataugeons dans la semoule pour la réécriture (qui est d’ailleurs au point mort).
    De plus, c’est vrai que les journées ne font malheureusement que 24 h et que le jardin nous accapare.

    J’espère que l’hiver te permettra d’avoir du temps pour terminer la réécriture.

    Amicalement,
    Isa

    • Bonjour Isa, merci pour ton commentaire.
      Je me doute que la réécriture doit avoir encore une autre dimension quand on écrit à deux. Pas forcément plus simple en fait.
      Content d’avoir des nouvelles de votre roman au passage 😉

      Oui le jardin est très chronophage, d’autant qu’une fois récoltés, il faut les conserver tous ces légumes.
      Et puis, c’est une énergie complètement différente avec l’écriture. Parfois j’ai du mal à passer de l’un à l’autre dans la même journée…

      Merci pour tes encouragements. En général chez moi, l’hiver est la saison la plus propice pour l’écriture.
      J’espère que ce sera aussi le cas pour vous !

  7. Hello Sandro
    C’est très juste et très sage ta vision d’un roman fini, abouti.
    C’est vraiment une question de cycle , ton histoire d’arbre taillé me fait penser aux vendanges. Trouver le bon moment, celui où le raisin est à point. juste ce qu’il faut pour obtenir un millésime de qualité.
    Je te lis avec avidité et je connais ton professionnalisme donc je n’ai aucun doute sur la qualité de la production que tu vas nous offrir.
    J’ai vraiment hâte !!!!
    Merci d’avoir pris sur ton temps pour relire et corriger mon roman. Merci de dire que tu as « adoré » l’histoire. C’est cool ça fait plaisir. Car après tout on n’écrit de la fiction que pour cela. Faire passer un bon moment aux gens.
    Bravo Sandro pour cet article.

  8. Hello Marjorie,
    Très bonne comparaison avec les vendanges. Trouver le bon moment est essentiel pour n’importe quelle récolte.
    Ce n’est pas évident du tout d’avoir le recul nécessaire, quand on est complètement impliqué dans ce qu’on fait et qu’il y a bien sûr une charge émotionnelle nous perturbant d’autant plus.

    De rien, pour ton roman. Comme je te le disais par mail, l’humour est une des choses les plus difficiles à écrire je trouve. Et je me suis marré pas mal de fois en lisant ton histoire alors oui, j’ai vraiment adoré 🙂
    Merci beaucoup pour ton soutien.