• Mon roman est sur Librinova

     

    Il est enfin publié !

    Ça commençait à faire un bout de temps que ce blog manquait d’activité. Je m’en excuse auprès des visiteurs qui devaient se demander ce que devient ce roman, alors qu’il est terminé depuis plus d’un an. Et pourquoi ce manque d’articles aussi… j’y reviens juste en-dessous.

    D’abord l’essentiel. En cliquant sur la couverture, vous irez directement sur la page Amazon du roman :

     

     

    Ici, la page du catalogue Librinova

    Ou si vous préférez, voici un lien vers toutes les libraires en ligne où il est disponible, ou le sera rapidement car il sort tout juste  :

    https://www.librinova.com/librairies-en-ligne

    Vous avez sans doute déjà un compte sur l’un de ces sites, avec une petite recherche il devrait être facile à trouver. En tout cas vous avez le choix, si vous souhaitez acheter mon roman.

     

     

    Presque un an de silence sur ce blog, donc.

    Quand j’avais envoyé mon roman à des éditeurs en mai 2016, sur la lancée j’avais commencé à écrire un deuxième tome. J’écrivais aussi des textes pour le blog, il fallait avancer sur le deuxième ouvrage de Chiaroscuro, et puis un emploi alimentaire, un potager…

    En fait, j’ai épuisé mon énergie créative. Je n’ai pas pris le temps de souffler et j’ai fini par saturer.

    Ironie du sort, j’avais publié un petit texte ici sur l’inspiration, juste quelques semaines avant de réaliser ce qui m’arrivait, où je disais qu’il faut aller la chercher, la nourrir cette « muse ». Se donner la peine d’avancer même les mauvais jours, pour rester connecté en permanence avec ce qu’on est en train de créer. Toujours avancer.

    Je le pense encore, mais il faut aussi prendre en compte que nous ne sommes pas des machines. Le temps de « repos » est aussi important que celui consacré à agir. D’autant plus dans une démarche créative, il faut savoir prendre le temps de se ressourcer. Pratiquer d’autres activités, observer, réfléchir, échanger, évoluer… ce n’est pas du temps perdu.

    Mais à ce moment, finir un premier tome ne m’avait pas paru suffisant pour me permettre une pause. J’étais ultra motivé mais j’avais tort sur ce point. C’est une étape très importante pour une personne qui s’embarque sur ce chemin, un roman fini. Ce moment mérite d’être apprécié.

    Je me suis plongé dans le travail pour éviter de trop penser aux nouvelles des éditeurs que j’attendais. J’espérais recevoir une réponse positive, peut-être même signer pour plusieurs tomes, soyons fous. Et je ne m’attendais pas à devoir attendre aussi longtemps pour… rien.

     

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    Comme dans tout autre domaine, le parcours se révèle souvent bien plus dur et compliqué en réalité que dans notre imagination. Ça ne veut pas dire qu’il faut baisser les bras à la moindre difficulté. Cependant, il faut se remettre de nos désillusions.

    On peut faire beaucoup de choses avec notre volonté consciente, mais il faut aussi considérer notre inconscient et son importance. Il participe énormément du fait qu’on soit prêt(e) ou pas, sincèrement et entièrement, pour se lancer dans un projet important à nos yeux.

    On voudrait toujours être efficace et c’est bien, mais vouloir ne fait pas tout.

    Il n’est pas facile d’accepter quand ce n’est plus/pas encore le moment. Difficile de lâcher prise. Comme une respiration, comme l’alternance entre le jour et la nuit, la réflexion et l’action, il y a un temps pour tout. Inspiration et expiration.

    Ce n’est sûrement pas un hasard si on utilise ce terme pour parler de créativité. Mais se remplir les poumons, ce n’est que la moitié du trajet.

    J’ai poussé un peu trop loin et il m’a fallu du temps pour récupérer, en quelque sorte.

    Les lettres de refus laconiques et impersonnelles de certains éditeurs n’ont pas arrangé les choses, question motivation. Je n’ai toujours pas les réponses de certains éditeurs auxquels j’ai proposé mon manuscrit. J’en arrive à être reconnaissant envers ceux qui ont refusé mon roman, mais en me donnant une réponse relativement rapide.

    Deux éditeurs en particulier m’ont annoncé qu’une réponse viendrait dans les six mois, un an maximum, mais presque un an et demi plus tard je n’ai plus aucune nouvelle. Pourquoi ? Je ne le saurai probablement jamais. Plus tellement envie de les relancer, à vrai dire.

    Ce que je sais, c’est que ce roman ne va pas rester dans un coin de mon bureau. C’est le sort qu’a subi mon tout premier, écrit pour un fanzine dans un autre univers dont je n’étais que co-auteur. À cause de problèmes avec des coéquipiers à l’époque, je l’avais abandonné au bout d’un tome et demi, en quittant le projet. Le début de l’histoire seulement avait été publié.

    Depuis du temps est passé, j’ai mûri je pense, progressé. Pour Entom Boötis je travaille seul. Que ce vaisseau navigue sur une mer accueillante ou qu’il sombre dans la tempête, je suis son humble capitaine, seul à décider et à affronter les conséquences.

    Tant pis, si ce que j’aime écrire ne correspond pas à ce que les éditeurs recherchent en ce moment. Tant pis si je n’ai pu compter que sur mon auto-critique et les avis d’une poignée de personnes dans mon entourage, pour que mon roman puisse atteindre une certaine qualité.

    Aujourd’hui, j’ai encore le sentiment de ne pas pouvoir faire mieux, avec ces « ingrédients » en tout cas. Alors il était grand temps de laisser vivre cette histoire, ces personnages, de les libérer en quelque sorte. Et me libérer aussi.

     

     

    Je suis un perfectionniste avec l’écriture. Si ce trait de caractère apporte des avantages indéniables quand il s’agit de porter un regard critique, il a aussi ses inconvénients. En particulier celui de ne jamais être pleinement satisfait, car on recherche une perfection qu’on ne pourra pas vraiment atteindre. S’en approcher oui, le plus possible, mais il est parfois difficile d’accepter que c’est une quête sans fin.

    Il suffit de laisser passer suffisamment de temps, pour voir dans nos créations des défauts qu’on avait pas remarqués avant, qu’on voyait autrement. Une personne perfectionniste peut considérer qu’aucun de ses travaux n’est jamais vraiment abouti, puisque perfectible. Et ainsi, ne jamais rien terminer.

    Cette année « d’attente » m’a confronté à ce problème, une fois de plus.

    Comme j’ai finalement décidé de m’auto-éditer, j’ai dû refaire toute ma mise en page afin qu’elle corresponde au format demandé. J’ai relu mon texte pour la énième fois après une longue pause, et bien sûr j’ai encore trouvé des petits défauts.

    Je me suis rappelé aussi d’une ou deux remarques de mes premiers lecteurs qui m’avaient d’abord semblé secondaires et finalement, avec plus de recul… L’histoire n’a pas changé mais j’ai encore fait quelques petites améliorations, sur la forme.

    Ça pourrait durer longtemps comme ça. À un moment, il faut savoir terminer et passer à autre chose. La suite éventuellement.

     

     

    Le bon côté de mon passage à vide, c’est que j’en ai tiré quelques leçons. J’ai compris entre autres que la volonté a ses limites. Même quand on est passionné(e) par ce qu’on fait, elle ne suffit pas à long terme.

    On peut être amené à se forcer pour correspondre à une certaine image, faire comme les auteurs qui publient un roman chaque année, voire davantage. Pour un(e) inconnu(e), cela signifie travailler sur son temps libre pendant des mois, voire des années, dans une indifférence quasi générale. Se priver d’autres choses, tout donner dans l’espoir que ça va donner quelque chose de bien.

    Restons modeste. Un jour peut-être, je pourrai me permettre de travailler à plein temps sur mes romans, toute l’année, mais pas pour le moment.

    Écrire un roman demande beaucoup de travail, de temps et d’énergie. Une suite est en route mais je préfère ne rien promettre question délais, pour l’instant.

    Si cette histoire trouve son public, ou si au contraire c’est un bide complet, eh bien ça pourrait changer beaucoup de choses.

     

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    En tout cas, ce roman est disponible sur la plupart des librairies numériques !

    Au format ebook seulement, pour le moment.

    Je suis un inconnu parmi les auteurs et la science-fiction n’est pas franchement à la mode, chez les lecteurs et lectrices francophones. Sans éditeur la publication me coûte de l’argent, alors je vais procéder par étapes.

    Le système mis en place par Librinova favorise ce procédé, avec une édition papier proposée à partir de mille exemplaires vendus en numérique. Avant ce cap c’est relativement cher, je vais tenter la manière progressive pour commencer. Prendre la température si l’on peut dire. Mais j’espère bien l’éditer en version papier prochainement.

     

     

    Voilà. J’ai apporté le plus grand soin à la qualité de ce texte mais il pourrait rester des défauts malgré tout, que mon cerveau refuserait de voir. C’est très possible, d’autant que je n’ai pas eu de regard extérieur sur mes dernières retouches. Je n’ai pas eu accès à tout un comité de lecture pour traquer les imperfections, j’ai juste fait de mon mieux.

    Cinq autres personnes ont lu ce roman avant sa version actuelle. C’est peu et en même temps très précieux pour moi, leurs avis m’ont tous été utiles. Je ne les citerai pas ici mais je ne les ai pas oubliés dans mes remerciements à la fin du livre.

    Cette histoire n’a pas d’autre prétention que d’apporter un peu d’évasion, des émotions j’espère, quelques réflexions peut-être. Si vous la lisez, n’hésitez pas à me faire connaître votre avis. Si elle vous plaît, merci d’en parler autour de vous.

    C’est de la science-fiction. Je suis conscient que cette étiquette n’est pas facile à porter pour un roman, en France. Mais c’est ce que j’aime écrire. Et même parmi les adeptes de ce genre, les thèmes abordés, l’histoire ou le style peuvent ne pas plaire.

    À présent, c’est à vous d’en juger.

     

     



     


  • La saison ardente

    Malgré sa proximité avec l’équateur, la Valoki est influencée par les changements de saison de l’hémisphère nord. Lorsque l’hiver arrive, apportant des ténèbres permanentes sur le cercle polaire et un froid glacial sur l’ensemble du Tharseim, en Valoki débute la saison ardente.

    Tandis que la Nemosia bénéficie d’un climat doux et varié à cette période, avec une baisse sensible des températures et de rares chutes de neige sur les plus hautes montagnes, l’hiver pour les Valokins représente une période de sécheresse caniculaire. Le thermomètre témoigne d’une chaleur constante tout au long de l’année, mais si les pluies quasi-quotidiennes apportent une certaine moiteur ou fraîcheur le reste du temps, pendant la saison ardente, l’absence d’humidité donne à cette chaleur une force écrasante.

    Pendant trois mois, et davantage certaines années, il ne tombe pas une goutte de pluie sur la Valoki. Les nuages eux-mêmes se font rares et au fil des semaines s’installe une sécheresse éprouvante.

    Alors que les premiers signes de la saison ardente se font sentir, les pluies se raréfiant, la végétation luxuriante se lance dans une floraison explosive qui fait le bonheur des insectes butineurs et enchante les yeux des humains.Les arbres-montagne ne sont pas en reste, leurs immenses corolles parent alors la forêt de superbes couleurs.

     

    C’est à ce moment que les aporims migratrices, après s’être gavées de miel, quittent la Valoki pour se rendre dans les jungles équatoriales du Kunvel.

    Puis les végétaux fructifient alors que leurs feuillages perdent leur éclat émeraude, et arrive le temps des moissons et des récoltes.

    Pour les Valokins, c’est la saison la moins appréciée de l’année. Alors qu’une partie de leurs précieux alliés insectes déserte la région, dans les champs comme dans les forêts, ils s’affairent à récolter le fruit de leur labeur sous un soleil brûlant. Les Sœurs Melishaï recueillent aussi le précieux miel restant dans les ruches temporairement abandonnées.

    Cette longue période de sècheresse convient en revanche très bien à un grand nombre d’arthropodes géants et en particulier les carnivores. Rares sont les insectes et les arachnides appréciant l’élément liquide. La saison ardente semble donner un regain d’énergie aux prédateurs, alors que leurs proies s’affaiblissent. Il ne fait pas bon traîner dans les contrées sauvages qui ne sont pas sous la protection des Sœurs Ophrys et des insectes sociaux avec lesquels elles ont forgé leurs alliances. C’est encore plus vrai à cette époque de l’année.

    L’eau est rationnée pendant la saison ardente, on utilise des puits et de grands réservoirs qui ont collecté les eaux de pluie le reste de l’année. Les roches karstiques de la province de Leda, la capitale, bénéficient également d’un impressionnant réseau de grottes et de nappes phréatiques souterraines. Dans les villes, les villages et les monastères de l’ordre Ophrys, d’ingénieux systèmes de canaux et de bassins d’épuration permettent d’acheminer cette précieuse eau qui reste consommable et fraîche, même issue des réservoirs, jusqu’au retour très attendu des précipitations.

     

    (crédit photo : Bernard Gagnon)

     

    L’usage du feu est strictement interdit à l’extérieur, la végétation jaunissant jusqu’à devenir craquante, le risque d’incendies s’en trouve dangereusement accru. Certains réservoirs placés en hauteur sur des arbres-montagne ou les flancs des monastères de l’ordre Ophrys sont réservés au combat d’éventuels feux dévastateurs, qui dans le passé marquèrent tragiquement l’histoire des Valokins.

    Pendant ce temps, loin au nord, leurs ennemis ancestraux font face à un hiver polaire. Les Thars affrontent chaque année des températures négatives sur l’ensemble de leur territoire, des chutes de neige abondantes et des tempêtes balayant l’immense nation nordique avec violence.

    Pour les habitants du Calsynn, c’est la période où la chance de voir tomber la pluie est envisageable. Les nuits sont froides, le gel n’est pas rare dans le désert, mais le soleil s’avère également plus supportable.

    C’est en Nemosia que l’hiver est sans doute le moins rude. La baisse sensible des températures y apporte une certaine fraîcheur, avec parfois des chutes de neige sur les plus hautes montagnes. D’autres articles reviendront sur les climats de ces pays.

    À la fin de la saison ardente, les forêts valokines sont méconnaissables tant les végétaux sont secs, jaunes voire bruns. Sous les pieds, les tapis de feuilles mortes font un bruit de papier froissé. On ne perçoit même plus l’odeur de l’humus dans la forêt.

    Les cours d’eau font pâle figure, certaines sources sont taries. Tout comme la végétation sauvage, les champs ressemés par les cultivateurs attendent désespérément le retour des pluies pour verdir à nouveau.

    Puis un jour les nuages s’amoncellent et enfin, l’eau revient comme une bénédiction du ciel.

     

     

    La saison ardente quitte la Valoki comme elle s’y installe, progressivement. Une averse par-ci, un orage par-là, avant les véritables pluies diluviennes coutumières des tropiques. Il existe aussi une saison des cyclones (contre lesquels les constructions de terre maçonnée des terims offrent des abris solides).

    Mais en attendant pour les Valokins, le retour des pluies représente une période de festivités dont l’apogée est marquée par le retour des aporims migratrices.

    Comme répondant à un puissant appel collectif, toutes les colonies des butineuses rejoignent la Valoki au même moment. Des milliers d’insectes volants noircissent le ciel avant de retrouver leurs ruches respectives dans les troncs des luvalianes.

    Chaque Valokin sait alors que la saison ardente et bel et bien terminée. Les précieuses productrices de miel vont à nouveau accompagner les humains de leur présence bienveillante, remplir de vie les champs et les forêts. Les vallées tropicales vont encore regorger d’eau, de verdure, de fleurs et de fruits, comme si la nature n’était qu’abondance.

    Jusqu’à l’année prochaine.

    À l’époque de Naëlis et Elorine, des changements climatiques se font sentir dans tout l’hémisphère. La saison ardente tarde à venir chaque année en Valoki, mais elle s’avère aussi de plus en plus longue. Partout les saisons sont perturbées.

    Changements naturels ou conséquences des activités humaines ? Quoi qu’il en soit, les signes convergent pour annoncer des transformations sans précédent, du jamais vu pour les humains qui peuplent ce monde. Les acquis des anciennes générations deviennent instables et personne ne sait vraiment jusqu’où cela peut aller.

    Comme le souligne un dicton valokin, « tant que les aporims reviennent, ça pourrait être pire. »

     

     



     


  • Chiaroscuro – Le destin des Maranteo

    Salutation !

    En ce moment se déroule une nouvelle campagne de financement sur Ulule, pour la sortie du deuxième ouvrage du jeu de rôles Chiaroscuro. Un supplément du livre de base paru début 2016.

    Cette campagne a très bien commencé, nous avons déjà atteint le premier palier ! Au moment où  j’écris ces lignes cette publication est déjà assurée pour début 2017 ! Un grand merci aux participants.

    Je suis un peu à la bourre pour en parler mais les prochains paliers peuvent être atteints, il reste 15 jours avant la fin de la campagne. La carte de la capitale en poster au format A3, une couverture rigide pour le livre et réservée aux contributeurs, ça peut être intéressant.

    Comme pour le premier livre de Chiaroscuro, on peut contribuer à partir de 5 euros.

    Si vous avez envie de participer ou d’aller voir par curiosité, c’est là :

    soutien Ulule

    Dans Imperium, le livre de base, les lecteurs ont fait la connaissance de la famille Maranteo à travers le scénario « Une heureuse occasion ».

    Le Destin des Maranteo est un ouvrage entièrement dédié aux péripéties traversées par les héritiers de cette famille, incarnés par les joueurs. Cette histoire fait directement suite au scénario Une heureuse occasion, et les protagonistes vont très vite se retrouver plongés dans de nouveaux défis.

    Mais on peut aussi commencer cette campagne sans avoir joué le scénario précédent.

    Si vous n’êtes pas familier du jargon rôliste, une campagne c’est un très gros scénario, ou plusieurs qui se succèdent sur un même thème. Le meneur de jeu et ses joueurs s’embarquent pour une histoire plus conséquente que lors d’un scénario classique.

    Une campagne de jdr ne se termine pas en une ou deux séances, elle peut s’étaler sur des mois. Avec le temps, les joueurs y développent souvent des liens forts avec leur personnage.

    C’est amusant dans ce cas, le double sens du mot : une campagne de financement pour publier une campagne de jeu de rôles. Pour le financement le mot correspond plutôt à une campagne publicitaire, tandis que dans le jeu, le mot campagne est plus proche de son sens d’épopée ou de conquête.

     

    epee_maranteo(L’épée enchantée des Maranteo, portée uniquement par le chef de famille)

     

    Côté coulisses, le Destin des Maranteo a été créé par la même équipe que pour Imperium. Aldo Pappacoda, Olivier Sanfilippo, Maeva Wery, Yohan Vasse et moi-même.

    Nous sommes toujours édités par nos copains et associés Les Vagabonds du Rêve.

    Le livre fait 112 pages en couleurs, avec une couverture souple, des nouvelles illustrations, des décors, des plans, des cartes, des portraits… une nouvelle d’ambiance, et bien sûr tous les textes qui vont permettre au meneur de faire vivre cette histoire à ses joueurs.

    Vous trouverez des infos complémentaires sur la page Ulule, et si vous avez des questions les commentaires sont à votre disposition.

    Merci beaucoup si vous contribuez à cette campagne et/ou en parlez autour de vous.

     

     

    Pour ma part, je vais reprendre tranquillement la publication de textes ici. Ce blog manque un peu de vie en ce moment. Il faut parfois mettre son énergie dans d’autres activités, et j’avais aussi besoin de recharger mes batteries créatives, si l’on peut dire.

    Je n’ai toujours aucune nouvelle de mon roman depuis la dernière fois que j’évoquais son parcours chez les éditeurs. Bien sûr, ce sera ici le premier endroit où les nouvelles seront communiquées, bonnes ou mauvaises. J’attends encore des réponses.

    Bientôt de nouveaux textes pour Entom Boötis donc, et comme d’habitude ils seront publiés certains mercredis en fin de journée. Je poste cet article un autre jour, une fois n’est pas coutume, la campagne de financement va vite passer…

    Je vous laisse avec une autre de mes illustrations que vous pourrez retrouver dans Le Destin des Maranteo. Si vous souhaitez voir d’autres aperçus de ce supplément, je vous invite à visiter les sites des membres de l’équipe (plus haut dans cet article), vous verrez de belles choses.

    À bientôt.

    scene_maritime

     



     


  • L’arbre de l’indépendance

     

    zibril

     

    C’est en l’année 415 du calendrier colonial que la Nemosia gagna son indépendance.

    La Guerre des Menteurs venait de s’achever et l’immense nation tropicale de Valoki n’avait jamais été aussi affaiblie au cours de son histoire. Sous la domination d’un tyran nommé Torian Pascor, les Thars avaient manœuvré pour faire croire à une guerre civile qu’ils avaient eux-mêmes orchestrée parmi les Valokins, tout en réfutant publiquement les accusations pourtant justifiées des matriarches de l’ordre Ophrys.

    Chacune des deux nations ennemies accusait l’autre de mensonges éhontés, et ainsi, il fut commode pour les historiens des deux camps de nommer ce conflit la Guerre des Menteurs.

     

    Mais la Valoki avait subi des attentats, des sabotages et des assassinats pendant tellement longtemps que son peuple avait basculé pour de bon dans des conflits internes. Avant que les réseaux d’espions nordiques ne soient démasqués, infiltrés puis éliminés, les machinations de Torian Pascor s’étaient avérées efficaces. Les Valokins étaient plus divisés que jamais.

    Certaines femmes accusaient les hommes, tandis que les vieux soupçonnaient les jeunes et inversement, puis ce fut le tour des voisins, des marginaux, des origines ethniques minoritaires… toute forme de différence pouvait attiser la suspicion. Même les cinq provinces valokines s’étaient replié les unes sur les autres, surveillant leurs frontières dans la méfiance la plus complète.

     

     

    À cette époque, les deux provinces valokines les plus au nord étaient appelées Kewana (à l’est) et Pomguay (à l’ouest). Dans la province de Kewana se trouvait la plus ancienne grande ville de la ceinture tropicale, Akoumbé, où les Sœurs Ophrys avaient érigé un grand monastère avec l’aide de leurs alliés insectes, les terims bâtisseurs.

    La famille Habako s’était distinguée depuis longtemps par le nombre de personnalités publiques qu’elle avait engendrées. Bahiya Habako faisait partie des plus éminentes Veneris Matria à cette époque, dans cette province.

    Avant que la Guerre des Menteurs n’arrive à son terme, les dirigeantes de ce monastère avaient malheureusement accusé leurs consœurs de la province de Leda, la capitale, d’être indirectement responsables des vagues de terreur qui balayaient tout le pays depuis plus de vingt ans.

    Bahiya était très influente parmi les Sœurs de Kewana. Elle était également la tante de Demba Habako, un jeune homme farouche qui s’était illustré en remportant des combats sanglants à la frontière avec le Calsynn. Disposant d’une carrure imposante et d’un charisme indéniable, Demba était très populaire.
     
    Malgré la défaite de Torian Pascor et ses agents, leurs manigances avaient porté leurs fruits et la Valoki s’en retrouvait affaiblie, déchirée. Lorsque la paix revint avec la mise au jour des origines nordiques de la Guerre des Menteurs, les Veneris résidant à Akoumbé refusèrent cette version pourtant vraie, et se retournèrent contre l’ordre Ophrys.

    Sous l’impulsion de la famille Habako, profitant de l’influence de la vénérable Bahiya parmi les Sœurs et de celle de son neveu Demba sur la population civile, un soulèvement populaire fut organisé pour soutenir les moniales locales contre celles des autres provinces.

    Les Sœurs qui n’approuvaient pas leur décision quittèrent les provinces du Kewana et du Pomguay pour rejoindre la majorité des moniales, réparties dans les provinces restées fidèles à la Valoki.

    La branche locale de l’ordre s’effondra en fusionnant avec la nouvelle monarchie que la famille Habako mit en place.
     

     

    Bahiya resta dans l’ombre du trône où elle avait placé son neveu. Le monastère de l’ordre Ophrys devint le palais royal au cœur de la capitale.

    Dès le début de leur règne, ils placèrent la neutralité entre le Nord et le Sud comme un de leurs principes les plus chers, ainsi que la parité réelle entre les deux sexes.

    Demba Habako courtisa une épouse parmi les familles de notables, ils se marièrent et elle obtint le titre de reine, bien que disposant de pouvoirs moindres que l’héritier Habako. Pendant les deux siècles qui se sont écoulés depuis leur indépendance, les Nemosians ont toujours respecté cette coutume. Les hommes et les femmes ont exactement les mêmes droits, et le couple de souverains partage le pouvoir, bien que le dernier mot revienne toujours à celui ou celle qui possède son titre par la naissance.

    C’est ainsi que cette famille prit la tête de la Nemosia. La Valoki n’avait jamais fondé sa politique sur la conquête de territoires par la force, et le pays était alors tellement affaibli par une génération entière de terrorisme… l’indépendance nemosiane ne fut jamais plus remise en cause.

    Par la suite, l’influence des nordiques poussa la famille Habako à mettre en place une monarchie parlementaire, où le peuple des huit régions pouvait élire son préfet, ainsi que les différents édiles à la tête de chaque ville ou village. Ainsi furent préservées la plupart des particularités culturelles locales, bien que les grandes décisions affectant tout le pays fussent toujours prises par la famille régnante à Akoumbé.
     

    drapeau-nemosian

     

    Outre les hauts-plateaux marquant la frontière avec la Valoki au sud, la présence du Nemos, le plus grand fleuve de la planète, ou encore celle de la Mer Orange, il existe en Nemosia un autre lieu très particulier.

    Aux sources du Nemos se dresse une immense forêt unique sur ce monde, appelée la Forêt de Zibril car uniquement composée par cette espèce d’arbre-montagne endémique. Certains se demandent même s’il ne s’agirait pas d’une seule et même souche monstrueuse qui couvrirait des milliers de kilomètres carrés, car chaque individu composant cette forêt possède le même patrimoine génétique que les autres.

    Les zibrils  sont gigantesques et vivent des dizaines de milliers d’années, à l’instar des autres arbres-montagne. Leur bois très sombre est strié de veines rougeâtres, tandis que leurs grandes feuilles dentelées prennent une teinte olive au-dessus et argent en-dessous. Les zibrils ne produisent pas vraiment de fruits mais directement des graines très petites en comparaison de la taille des arbres. Ces graines sont attachées en couples à des ailettes typiques que l’on voit tournoyer en étant transportées par le vent, juste avant la saison pluvieuse en été.

     

    Si la famille Habako choisit le fleuve Nemos comme point commun aux deux provinces pour baptiser la Nemosia, les dirigeants avisés surent aussi utiliser les symboles et les particularités locales pour marquer l’imaginaire de leur peuple. C’est depuis cette époque que l’emblème du pays est un arbre rouge sur fond vert, sous lequel passe une bande bleue symbolisant le fleuve titanesque.

    C’est ce même arbre qu’on retrouve gravé sur l’énorme émeraude enchâssée sur l’anneau sigillaire que porte le roi ou la reine de sang royal.

    La légende raconte que le roi Demba Habako décida de ne pas porter de couronne, pour ne pas trop se démarquer de son peuple. Une autre version prétend qu’il s’était bien fait forger une superbe couronne en or incrustée de joyaux, mais que cette dernière lui occasionnait d’épouvantables migraines et des démangeaisons.

    L’orfèvre qui réalisa le magnifique objet fut confondu et jeté en prison, mais l’on se rendit compte que l’alliage de la couronne était bel et bien noble, et ne contenait pas de nickel comme on s’y attendait. Le roi était victime d’une allergie rarissime à l’or pur. Ses successeurs préservèrent la tradition de ne porter que l’anneau sigillaire, depuis l’origine forgé en palladium.

     

     

    En devenant le premier roi de Nemosia, Demba Habako fit sculpter dans le cœur d’une énorme branche de zibril un trône de bois sombre parcouru de veines rouges. Depuis presque deux cents ans, le Fauteuil de Zibril accueille le roi ou la reine nemosiane né(e) Habako.

    L’aîné(e) de la famille reçoit le titre de monarque au décès du dirigeant précédent et doit choisir son conjoint (sa conjointe) parmi les familles les plus influentes à la cour. Seul le véritable dirigeant a le droit de s’asseoir sur le Fauteuil de Zibril, l’époux devant se contenter d’un fauteuil plus classique aux côtés du souverain en titre.

    Dans leur volonté de se démarquer des Valokins en affichant voire en exagérant leurs différences,  les Nemosians ne parvinrent pas non plus à imposer une identité forte vis-à-vis des autres peuples. En dehors de leur intransigeance concernant l’égalité des sexes qui a toujours fait défaut à leurs voisins, l’influence des Thars n’a cessé de croître au sein de la famille Habako.

    Mais après deux siècles de développement technologique tous azimuts, la Nemosia doit maintenant faire face à d’importants bouleversements environnementaux. L’effondrement des écosystèmes de la Mer Orange est sans doute la plus tristement spectaculaire de ces conséquences, mais les forêts primaires ne furent pas épargnées.
     

    Aujourd’hui, en ce début de septième siècle de la présence humaine sur Entom Boötis, la reine Seneli Habako dirige le pays depuis la capitale nemosiane. La légendaire Forêt de Zibril, pourtant épargnée par l’exploitation intensive directe, subit elle aussi les conséquences du développement industriel. Cette magnifique forêt géante symbolisant leur indépendance est désormais malade.

    Certains voient dans ce déclin le signe, ou même la preuve, qu’il est temps pour les Nemosians de s’affranchir de la domination nordique. Pour se libérer du matriarcat de Valoki, ils sont finalement tombés sous la coupe des Thars. Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour réclamer qu’arrive le temps de la véritable indépendance. Sur les huit régions, trois sont désormais unies en s’opposant ouvertement à la politique de la famille royale.

    La fière splendeur de la Nemosia semble maintenant aussi malade que sa forêt millénaire. Le destin des Hommes est lié à celui de leur environnement, bien sûr.

    Comment pourrait-il en être autrement ?
     




  • Des démons plein la tête

     

    Ouest du Calsynn – Année 601

     

    Les pillards encerclaient une fois de plus la petite tribu avec leurs véhicules, attaquant comme une horde de démons. Les modestes agriculteurs nomades n’opposaient qu’une piètre résistance face aux buggies et motos hérissés de piques de ces brutes sanguinaires armées jusqu’aux dents.

    Aveuglés par les épais voiles de poussière soulevés dans le soleil levant, les modestes nomades ne tardèrent pas à jeter leurs armes en levant les mains au-dessus de leurs têtes en signe de reddition. La moitié des hommes armés de la petite tribu gisaient déjà à terre, blessés ou tués par les tirs des pillards.

    Le chef des cultivateurs se précipita au milieu de la place formée par les huttes sur le sable du désert, haranguant les assaillants en les suppliant de cesser les violences.

    — Prenez tout ce que vous voulez ! criait-il. Mais cessez le feu, par pitié !

    Les pillards se réunirent en cercle autour du chef éploré, sans arrêter de faire tournoyer leurs machines dans un vacarme assourdissant. Le chef de la petite tribu les implorait à genoux, les bras levés au ciel.

     

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    (Crédit photo : Brocken Inaglory)

     

    La plus grosse des voitures blindées stoppa devant lui dans un grand nuage de poussière. Les yeux brouillés par les larmes, il ne discernait qu’une masse sombre se découpant en contre-jour dans la lumière aveuglante du soleil.

    Il vit une silhouette féminine bondir sur le toit du véhicule et à l’instant où elle écarta les bras en poussant un cri, tous les autres pillards firent stopper leur machine. Un silence de mort s’abattit sur le campement nomade.

    — Tas de fainéants ! lança la femme d’une voix juvénile mais puissante. Vous ne produisez pas suffisamment de ressources, il va falloir faire des efforts.

    Les pillards aux dégaines apocalyptiques poussèrent des exclamations en exhibant leurs maigres prises. Ils étaient tellement nombreux que même en s’appropriant toutes les réserves de nourriture de la petite tribu, le butin leur semblait dérisoire.

    — Nous travaillons comme des bêtes de somme, nous ne pouvons pas faire mieux ! protesta le malheureux chef des cultivateurs semi-nomades.

    La jeune femme secoua la tête avec un rire moqueur, agitant sa crinière de dreadlocks cuivrée. Elle sauta subitement de son perchoir pour se planter devant le meneur des nomades, le poussa brutalement du bout du pied et il se retrouva étendu sur le dos.

    — Il faudrait peut-être un nouveau chef pour les motiver, insinua la combattante.

    Il fut frappé par la beauté sauvage de la jeune femme, la dureté de son regard. Elle décrocha un horrible fouet de sa ceinture et le déploya en le faisant claquer sur une roche. La lanière souple était constellée de pointes métalliques tranchantes.

    Le chef des cultivateurs resta interdit, clignant des yeux dans la lumière crue du soleil. Cette voix, cette jeune femme aussi belle que cruelle, se pouvait-il que…

    — Ta… Taya ? dit-il. C’est bien toi ?

    — Salut, papa. Tu vois, même en devenant le chef de ces paysans, tu n’as jamais été à la hauteur pour protéger ta famille.

    — Par tous les esprits du désert ! Mais qu’ont-ils fait de toi ?

    Il tenta de se redresser mais Taya fit tournoyer son fouet-barbelé au-dessus de sa tête et il n’osa plus bouger.

     

     

    Un cri déchirant fit tressaillir tout le monde tandis qu’une femme accourait vers eux, aussitôt immobilisée par deux guerriers du clan Morojir. La femme en pleurs hurlait le nom de Taya.

    — Votre fille est morte il y a bien longtemps, lança-t-elle assez fort pour que même sa mère l’entende. Maintenant, je fais partie des dominants. Et vous, vous n’êtes que nos esclaves !

    Les Morojir poussèrent des hurlements enthousiastes en brandissant leurs armes.

    — Ce n’est pas de la force de te comporter comme ces monstres ! lança son père. Les forts sont ceux qui ne vivent pas sur le dos des autres ! Vous n’êtes que des parasites, des démons !

    Et il se redressa pour cracher au visage de sa fille.

    Surprise un instant, Taya essuya le crachat avec sa main libre, et sortit de ses poches un inhalateur dans lequel elle aspira une grande bouffée. Ses pupilles se dilatèrent et ses yeux injectés de sang brillèrent d’une lueur mauvaise. Elle rangea l’objet alors que son beau visage se déformait en une horrible grimace de dégoût.

    Elle arma son bras droit, fit tournoyer son fouet monstrueux et l’abattit de toutes ses forces sur le crâne de son père. La lanière barbelée s’enroula en arrachant des lambeaux de chair et manqua d’arracher un œil au pauvre homme sidéré.

    Taya tira violemment sur son fouet, la tête pivota sur elle-même en produisant un immonde craquement, et le cadavre de son père s’affaissa sur le sable.

    Elle dégagea son arme d’un habile mouvement du poignet tandis que sa mère hurlait à s’en briser les cordes vocales, solidement immobilisée au sol par deux hommes.

    Taya fit amener l’ensemble de la petite tribu devant elle. Elle désigna tous ceux qui l’avaient connue pendant son enfance et ses hommes les massacrèrent. La pillarde participa elle-même au bain de sang.

    De sa famille biologique, elle ne laissa vivre personne, pas même les plus jeunes.

    Elle plaça la responsabilité de chef sur l’un des survivants, et lui donna des consignes strictes sur la quantité de nourriture que la tribu devait produire. Puis les Morojir s’en allèrent en laissant une fois de plus un spectacle de désolation derrière eux.

     

     

    Lorsque la troupe menée par Taya atteignit le quartier général des Morojir à Elgadir, Vanger et Orpheo venaient de terminer une discussion avec d’étranges visiteurs que la jeune guerrière voyait pour la première fois.

    Taya observa leurs uniformes aux motifs triangulaires et bicolores alors qu’ils remontaient dans leur superbe vaisseau volant, emportant avec eux des paquets soigneusement emballés.

    Tous étaient des hommes, grands et corpulents en comparaison des Calsy habitués à une vie des plus austères. Les plus lourdement armés portaient des tenues noires et rouges, ils encadraient un homme habillé de noir et gris et deux autres en noir et vert.

    Cela faisait des années que des nordiques n’étaient pas venus traiter directement avec Vanger le Déchireur.

    L’appareil ultramoderne des Thars décolla dans un souffle et disparut rapidement dans le ciel céruléen, laissant sur le sable un tas de matériel que certains hommes commençaient à transporter vers les réserves, sous la surveillance de Vanger.

    — Et voilà enfin Taya ! s’exclama le colosse, assis sous un auvent à l’abri du soleil de plomb.

    Vêtu d’une ample tunique rouge, le chef des Morojir avait une apparence massive et volontairement repoussante. Sa carrure monstrueuse était accentuée par une musculature hypertrophiée, bourrée de drogues et d’hormones de synthèse.

    Chaque centimètre de son corps de bodybuilder était tatoué ou scarifié, jusqu’à la peau lisse de son crâne sous laquelle était greffée une plaque de métal ne laissant dépasser que des pointes.

    Brillants d’une lueur démente dans son visage patibulaire, tatoué et scarifié, les yeux de Vanger étaient rouges comme le sang. Ses dents limées en pointes et couronnées de métal lui valaient son surnom de Déchireur. Il avait la sinistre habitude d’achever ses proies en leur arrachant la langue ou la gorge avec ses mâchoires.

     

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    (Meth Demon. Illustration : Don Hankins)

     

    — L’expédition s’est bien passée ? demanda le grand Orpheo à la peau sombre, debout à ses côtés.

    — Impeccable, affirma Taya sans un regard pour son amant occasionnel. J’ai dû leur désigner un nouveau chef et faire un peu de nettoyage dans leurs rangs, mais comme ils sont moins nombreux, il leur reste un peu de nourriture.

    — Ils avaient de la résine bleue ? demanda Vanger avec intérêt.

    Taya fit non de la tête et son chef acquiesça d’un air satisfait avant de s’injecter sa drogue préférée dans une cuisse, puis il se redressa de toute sa hauteur.

    — C’est bien ce que je pensais. Les nordiques sont prêts à nous échanger à nouveau des armes et des véhicules, mais ils s’intéressent maintenant à cette résine que fabriquent certaines tribus du désert. Très peu de gens connaissent cette recette, il nous la faut.

    — Tout ce matos contre de la résine ! s’esclaffa Taya. Ça fait des siècles que les Calsy se soignent avec ça, les nordiques sont stupides…

    Vanger dévoila ses crocs de métal dans un sourire moqueur.

    — T’y comprends rien, merdeuse. Leurs scientifiques ont trouvé de nouvelles vertus à cette pâte bleue, un vrai élixir de jouvence qu’ils disent. Si nous obtenons le monopole sur la résine, ils nous fournirons de quoi mettre tout le Calsynn à nos pieds. Tu piges ?

    — Ouais c’est bon, fit Taya. T’inquiète, je la trouverai cette recette… mais pas maintenant. J’suis vannée.

    Elle partit s’isoler dans ses quartiers, après avoir repoussé brutalement les avances d’Orpheo qui la trouvait sexy quand elle rentrait d’un pillage, couverte de sang, de poussière et de sueur.

    Le chef et son fidèle lieutenant allèrent s’adonner à quelques jeux pervers pour fêter leurs nouvelles acquisitions.

    Une fois seule Taya s’enferma à double tour, balança ses affaires sur le sol et se laissa glisser contre un mur. Alors seulement, elle laissa s’exprimer l’infime parcelle d’humanité qui subsistait en elle. Ses larmes coulèrent pendant de longues minutes avant que ses démons ne reprennent le dessus.

    Taya se mit à rire. C’était fait. Toute trace de son passé était détruite, tous les témoins de ce qu’elle aurait pu être étaient réduits au silence. Très peu de personnes pouvaient encore se vanter de l’avoir connue avant qu’elle devienne… ça.

    Elle fouilla d’une main tremblante dans le coffret où elle rangeait sa réserve de drogues. Contrairement à Vanger et Orpheo, elle répugnait à s’injecter les produits avec des seringues. L’inhalateur lui semblait moins crade. Taya s’envoya une dose massive de méthamphétamines avant de sortir dans le soleil couchant.

    Envahie par une montée d’euphorie sauvage, elle s’élança dans les ruelles sombres de la cité du désert, en quête de victimes pour assouvir ses pulsions vengeresses de sexe et de sang.

    Emportée par une spirale vicieuse, elle était bien décidée à tout faire pour oublier qu’un autre chemin était possible. Et dans sa fuite éperdue d’elle-même, Taya Morojir ne cessa de s’enfoncer dans la noirceur la plus perverse.